Pigeon voyageur et grippe aviaire : des nouvelles encourageantes

 

Dr Vétérinaire Christophe Arnoult

Septembre 2006

 

 

Nous savions que les pigeons voyageurs sont relativement résistants aux nouvelles souches de la grippe aviaire asiatique H5N1. Cependant quelques publications ont montré ces dernières années que de temps en temps, les pigeons pouvaient être infectés par les souches H5N1, aussi bien dans le milieu extérieur[1] que dans les laboratoires[2] et une certaine inquiétude est apparue quand à la possibilité que le pigeon voyageur soit un nouveau vecteur de la grippe aviaire. Cette affirmation serait, bien entendu, très dommageable au sport colombophile puisque un pigeon voyageur parcoure chaque année plusieurs milliers de kilomètres pendant les concours. 

Deux laboratoires se sont penchés sur cette question importante, de la possibilité qu’un pigeon voyageur soit un vecteur de la grippe aviaire. Une de ces études, a été initiée par JP Duchatel, un membre de la commission vétérinaire de la “Fédération colombophile Internationale” et réalisée au Cerva-coda de Bruxelles avec Thierry van der Berg, l’un des spécialistes mondial de la grippe aviaire. Ce travail a été soutenu financièrement par la commission vétérinaire de la FCI. La seconde étude a été réalisée par le professeur allemand Teifke de l’Institut d’infectologie de Riems (D)[3].

Dans ces études, des pigeons ont été infectés simultanément par injections de hautes doses de virus dans les cavités nasales et dans les yeux.  Afin de tester la capacité de ces pigeons infectés de propager la maladie à d’autres oiseaux par excrétion de virus, des poules ont été introduites dans l’isolateur confinant les pigeons voyageurs infectés. Ces poules ont été maintenues dans l’isolateur pendant 2 à 3 semaines et ont été en contact avec les fientes des pigeons malades. Dans l’expérience allemande, les pigeons et les poules se nourrissaient et s’abreuvaient aux mêmes endroits ; Les poules sont extrêmement sensibles aux virus H5N1 et de très faibles quantités de virus suffisent à entraîner une maladie gravissime conduisant à la mort en quelques jours. Les poules sont donc utilisées comme témoins de l’excrétion virale des pigeons infectés. En d’autres mots, si les poules, entretenues au contact des pigeons infectés, restent en bonne santé pendant deux semaines, nous pouvons conclure que les pigeons ne sont pas des vecteurs de la grippe H5N1.

Les deux études montrent la même conclusion : Bien que quelques pigeons tombent malades (ceux qui ont été injectés avec des doses massives de virus, et qui ne représentent probablement pas la réalité du terrain), les poules n’ont développé aucun signe de la maladie de la grippe aviaire et sont restées en parfaite santé pendant leur séjour de 2/3 semaines au contact des pigeons infectés.

 

 

Quelques commentaires

 

1/ Ces resultats confirment ce que nous savions déjà sur la sensibilité des pigeons envers les nouvelles souches H5N1 de la grippe aviaire : Ils sont extrêmement résistant à cette souche, seulement 3 pigeons sur 14 infectés avec de très fortes doses meurent dans l’étude allemande et 0 sur 10 lorsqu’ils sont infectés avec des doses plus faibles (Etude Belge)

2/ Le fait que les pigeons malades ont été incapables de transmettre la maladie aux poules élevées à leur contact dans l’incubateur, est un résultat crucial pour la colombophilie. Il signifie que les pigeons n’excrètent pas de virus ou en si faible quantité, que même une transmission à un poulet n’est pas possible. Le fait qu’un animal ou qu’un homme atteint d’une maladie soit incapable de transmettre la maladie à d’autres hommes ou animaux n’est pas spécifique à la grippe aviaire chez le pigeon ; Par exemple, un homme infecté par le  virus du chikungunia  est incapable de transmettre la maladie à ses proches.

 

3/ Bien que la grippe aviaire soit une zoonose de faible risque (maladie animale transmissible aux hommes), le fait que les pigeons soient incapables de transmettre la maladie aux poulets lorsqu’ils sont élevés à leur contact, supprime toutes les craintes qu’un colombophile soit contaminé par ses pigeons. En effet, les hommes pour être infectés, nécessitent d’être en contact avec de très fortes doses de virus. Il est donc hautement improbable qu’un éleveur de pigeon attrape la grippe aviaire via ses oiseaux. Cette nouvelle est aussi importante pour toutes les personnes qui avaient des craintes quant au risque posé par les pigeons de ville.

 



[1] Ellis TM et al, 2004. Investigation of outbreaks of highly pathogenic H5N1 avian influenza in waterfowl and wild birds in Hong Kong in late 2002. Avian Pathol. 2004 33:492-505

[2] David E. Swayne, Personal communication;

[3] Klopfleisch et al, (2006) Neurotropism of Highly pathogenic avian influenza virus A/chicken/Indonesia/2003 (H5N1) in experimental infected pigeons (Columbia livia domestica). Vet Pathol 43:463-470 (2006)